« Les réseaux sociaux, un regard… »
Par Jérôme Déprés, chef de projet E-Education, Syndicat
Mixte Somme Numérique.
Qu’ils se nomment Facebook, Twitter,
Tumblr. ou encore Linked in, qu’ils soient généralistes ou très spécialisés,
les réseaux sociaux sont aujourd’hui une part importante des moyens de
communication. Il semble donc inutile de rechercher à les ignorer ou encore d’uniquement
les rejeter en bloc.
Avec les évolutions technologiques,
ils ont désormais des déclinaisons photos ou vidéos. Pourtant le principe n’est
pas nouveau, bien au contraire. Les
premiers réseaux sont nés en même temps, quasiment, que LE réseau internet. Les
réseaux « ancêtres » de moins de 30 ans pourtant se nommaient IRC
(pour Internet Relay Chat), QuakeNet
pour les plus connus.
Si le principe de se mettre en
réseau n’est pas nouveau, ce qui a changé en un peu plus d’une décennie, c’est
le mode d’accès à ces réseaux : plus d’obligation d’être assis derrière un
ordinateur, dans le prolongement de nos mains se tient cette foultitude
d’objets appelés « smartphone » ou encore « tablettes »…
Preuve en est avec l’image ci-dessous prise lors des deux dernières élections
papales :
Pour les adolescents nés avec ces
technologies, la question de l’usage pourtant ne se pose pas en ce sens :
l’outil est là, on doit donc s’y inscrire et y participer au risque de ne pas
exister aux yeux des autres ou de son « groupe » (camarades, amis, connaissances,
famille…). Mais n’est-ce pas une démarche somme toute « normale »
pour une personne en construction mentale et psychique dans une période où son
image renvoyée est très importante? Renforcée par une société de communication
et de publicité immédiate et exacerbée.
Mais
cela vaut aussi pour nos hommes politiques qui ont largement investi ces
réseaux, réduisant parfois un discours politique à « 140 signes », ce
qui constituerait une grande avancée… Sans rire !
Le
point alarmant pour ma part, en s’appuyant sur l’exemple des hommes / femmes
politiques, c’est de faire plusieurs confusions dans une période durant
laquelle, l’adolescent normalement constitué, est en phase de construction
intellectuelle. Je les vois de deux types :
1-
La
confusion entre les notions « public » et « privé ». En effet, même dans un
cercle restreint d’amis (au sens « ami » des réseaux sociaux), on ne
fait que très peu attention aux informations involontaires que nous pouvons
livrer, surtout via les applications qui se basent sur l’image ou la vidéo. On
se met soi-même en scène (toujours l’image de soi), mais on oublie
l’arrière-plan (qui parfois va vous « pourrir » aux yeux des
autres !). Il est difficile d’appréhender ce qui est
« livrable » ou non car les cercles d’amis ne sont pas concentriques
mais exponentiels : l’ami de mon ami est-il mon ami ? Le sage ne
voulait-il pas montrer les étoiles, alors que tous ces élèves regardaient le
bout du doigt ? Les messages, par rebond, peuvent donc être facilement
déformés, accentués et être en dehors de tout contrôle par des usages détournés
(sans forcément parler de malveillance, mais sur l’échelle des attitudes, la
bienveillance est la plus rare sur ces supports). On dit souvent que les
enfants entre eux sont durs, les réseaux peuvent devenir une « autre cours
d’école » de franche camaraderie comme d’harcèlement, malheureusement.
2-
La
confusion entre les « temps courts » et « les temps longs ». La force de ces outils /
réseaux sociaux, comme nous l’avons évoqué plus haut, c’est leur accès facile
associé à la multiplicité des outils pour y accéder, partout et tout le temps
donc. Ils nous permettent d’être informé (jusqu’à l’infobésité !), éclairé
sur son « cercle » propre comme sur le « monde » !
Magnifique en soi, mais le tout sans filtre ni recul est un réel danger. Il a
fallu inventer / importer le terme de « Fake » comme barrière, bien
mince pour trier le vrai du faux, du confirmé au possible… La rumeur n’est pas
nouvelle mais dans le contexte réseau social elle peut être réellement mortifère
pour une personne (combien de personnages connus ont été déclarés
« mort » avant démenti…) mais également sur la perception des
événements à l’échelle d’un groupe humain. Avec la multiplicité des accès, nous
avons multiplicité de « contributeurs », CQFD, qui réagissent sur
tout (le toutou à mamy comme sur le dernier attentat à Berlin…). Désormais, un
commentaire en appelant un autre, l’information se retrouve souvent, au mieux
tordue, au pire complètement dévoyée ! Or, les données, les informations ont
souvent besoin de temps pour être mises en perspective (l’actualité c’est
l’instant, l’Histoire c’est la durée !). On sur-réagit à un événement sans
en estimer la portée ou l’importance réelle…
Ces
deux confusions peuvent être, à terme, lourdes de conséquences à l’échelle de
la société (« tu vas voter ?, Oui mais j’attends le dernier tweet de
bidule pour me décider »), sans parler de certaines dévastations à
l’échelle de la personne (sur l’image donnée / perçue comme sur la
structuration de la pensée).
Les adolescents doivent être accompagnés pour apporter un
minimum de méthode quant à leurs usages de ces outils. Pour ma part, cela doit faire partie
de l’éducation aux médias, et une éducation aux médias non circonscrite à
quelques heures par-ci par-là, mais bien une éducation aux médias transverse
appliquée à l’histoire, à la science et sans oublier les langues.
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